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La pollution lumineuse a de nombreuses conséquences sur la biodiversité. La lumière artificielle nocturne possède en effet un pouvoir d’attraction ou de répulsion sur les animaux vivant la nuit. Ce phénomène impacte les populations et la répartition des espèces: certaines d’entre elles - insectes, oiseaux, jeunes tortues marines, etc. - attirées par les points lumineux, sont inévitablement désorientées vers des pièges écologiques. D’autres qui évitent la lumière - chauves souris, mammifères terrestres, lucioles et vers luisants, etc - voient leur habitat se dégrader ou disparaître. L’éclairage artificiel peut ainsi former des zones infranchissables pour certains animaux et fragmenter les habitats naturels. Il apparaît donc indispensable de préserver et restaurer un réseau écologique propice à la vie nocturne. La pollution lumineuse trouve son origine dans l’éclairage public des rues et des édifices publics, l’éclairage des maisons, l’éclairage des routes et celui des phares des voitures, des panneaux publicitaires, des enseignes commerciales. Il faut y ajouter l’éclairage inutile des immeubles de bureaux qui restent allumés toute la nuit, celui des luminaires de jardins, ... L’usage croissant des LED pose le problème plus global de la multiplication des sources lumineuses. La quantité de lumière émise a cru de 94% depuis les années 90 en France, pour le seul éclairage public.

20% de la surface terrestre est inondée de lumière artificielle, avec une croissance de l’ordre de +5 à +10 % par an.

Eclairage LED : la meilleure solution?

En 2014, une étude néo-zélandaise indiquait que les pièges lumineux à LED capturaient 48 % d’insectes en plus que les pièges équipés de lampes à sodium classiques.

Quel est le problème avec les lampes LED ? Elles sont pourtant très vantées pour leurs mérites écologiques. Moins gourmandes en énergie, peu coûteuses, elles sont de plus en plus utilisées par les particuliers, mais aussi par les pouvoirs publics. Ces éclairages produisent en réalité une lumière très blanche qui propage des longueurs d’onde bleues auxquelles réagissent certaines espèces.

Focus sur quelques espèces

La plupart des espèces nocturnes sont lucifuges, c.-à-d. qu’elles fuient la lumière. Elles sont dès lors vulnérables à la lumineuse artificielle et préfèrent l’obscurité. Certaines vivent dans le noir tout ou partie de leur cycle de vie: sous l’écorce des arbres, dans un tronc, sous terre ... Elles n’en sortent parfois que quelques heures pour se re- produire. Même la lumière de la pleine lune inhibe l’activité de certains insectes aquatiques! Il y aurait plus d’animaux nocturnes que diurnes !

La diminution de la population d’insectes du fait de la pollution lumineuse perturbent toute la chaîne alimentaire.Les insectes pollinisateurs sont aussi menacés. Ces fameux “papillons de nuit” qui viennent se fixer sur les lampadaires jusqu’à l’aube. Batraciens, mammifères et même poissons sont affectés. Des rougegorges se retrouvent à chanter toute la nuit; des tortues désorientées partent dans la mauvaise direction après avoir pondu; des rongeurs finissent bloqués par des murs de lumière qu’ils n’osent pas traverser... Le Cygne de Bewick niche dans le grand Nord (toundra arctique) mais passe l’hiver en Europe occidentale, par exemple en Zélande. Dans leur zone d’hivernage leur environnement est baigné de lumière artificielle, ce qui leur permet de se nourrir la nuit et d’augmenter plus vite leurs ré- serves nutritives. Au printemps ils retournent plus rapidement vers le Nord pour s’y reproduire. Mais, quand ils arrivent à destination, ils y sont revenus trop tôt car l’hiver là-bas est encore rigoureux et la nourriture absente ... Par contre, leurs prédateurs locaux, bien adaptés, en profitent.

Le Merle noir est un oiseau diurne. Une étude, publiée en février 2013 par des écologues allemands de l’Institut Max Planck, montre que la demi-obscurité, dans les parcs et les jardins de la ville de Munich, perturbe les rythmes biologiques de ces oiseaux. Ces merles cherchent, durant la nuit, les endroits les moins éclairés. La période de reproduction des oiseaux a été décalée par rapport à celle de leurs homologues des campagnes, car ils s’accouplent un mois plus tôt. Ils chantent également plus tôt le matin et muent précocement en automne. La lumière artificielle semble davantage conditionner la physiologie de ces merles que d’autres paramètres comme la variation de la température ou la disponibilité en nourriture.

L’Etourneau sansonnet afflue, par centaines ou par milliers d’individus, au centre des villes en hiver pour profiter de la chaleur qu’elles dégagent. Cet oiseau s’est, lui aussi, adapté à l’éclairage artificiel, tout comme le pigeon des villes. Ces étourneaux ne migrent plus, prospèrent et nidifient avant le retour des migrateurs; ces derniers trouvent alors moins de nourriture lors de leur retour au printemps, ce qui fragilise leur reproduction.

La pollution nocturne impacte également les insectes. Par exemple, le mâle du Ver luisant (Lampiris noctiluca) vole la nuit à la recherche des femelles. Celles-ci sont aptères et donc relativement immobiles; elles émettent une lumière froide et verdâtre sur la face ventrale de leurs derniers segments abdominaux. Mais les mâles sont trompés: ils sont attirés par la lumière artificielle, alors qu’en même temps la lumière émise par les femelles est cachée par la luminosité ambiante. Les mâles, pourtant adaptés à la vision nocturne avec leurs gros yeux, ne repèrent plus les signaux lumineux émis par les femelles. L’absence de rencontre et de fécondation qui en résulte conduit à la disparition locale de l’espèce.

Les femelles des papillons de nuit, qui sont attirées par la lumière artificielle, pondent leurs œufs dans des endroits inadéquats ... Ces lampadaires attirent en fait une grande quantité d’autres insectes. Il a été observé que la mise en place d’un lampadaire sur un rond-point en pleine campagne avait eu pour effet d’éliminer, en 2 ans et dans un rayon de 200 mètres, la majorité des insectes nocturnes qui occupaient le secteur. Cette entomofaune a fui ou s’est épuisée à tourner autour de points lumineux pour finir par griller. Elle peut aussi avoir été décimée par ses prédateurs.

Les mammifères sont concernés également. Une espèce de Chauve-souris, la Pipistrelle (ainsi que la Sérotine commune) s’est particulièrement bien adaptée à cette concentration de proies. Le lampadaire devient un «point chaud» de la prédation d’insectes. Ce phénomène n’est pas anodin car il conduit à la disparition des insectes qui se concentrent d’une manière anormale en dehors de leur biotope naturel. Ceci a une conséquence indirecte: cette prédation délocalisée se fait aux dépens des autres prédateurs naturels dans les biotopes que les proies ont quittés et où elles vivent d’habitude.

La végétation est affectée également car ce sont les insectes qui pollinisent les plantes. La disparition des uns impacte ensuite la vie des autres. En outre, les plantes détectent des longueurs d’ondes (dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge) que l’homme ne voit pas; elles sont également plus sensibles à des intensités de lumière peu élevées, si faibles qu’elles nous sont imperceptibles. Or, si les végétaux ont besoin de lumière du jour pour la photosynthèse, ils ont aussi besoin d’obscurité. Ils se sont adaptés, eux aussi, à l’alternance du jour et de la nuit. Celle-ci est utilisée à divers processus d’entretien et de croissance, alors que durant le jour la photosynthèse domine. En cas d’éclairage permanent les plantes ne sont plus en mesure de se développer normalement; ainsi, les arbres en milieu urbain ont des feuilles plus précoces au printemps et puis qui tombent anormalement tard dans l’année ... Mais globalement, sur l’année ils produiraient moins d’oxygène qu’un arbre campagnard!

Il y a aussi l’effet barrière de la lumière artificielle qui fragmente les habitats et les populations et fragilise celles-ci. En effet, pour toutes sortes d’animaux qui fuient la lumière, l’éclairage nocturne artificiel est une barrière souvent infranchissable. C’est le pour certaines chauves-souris: un terrain de chasse illuminé est abandonné ou moins fréquenté, une route ou un chemin éclairé peut les couper d’une partie de leurs terrains de chasse. Elles désertent les clochers, bâtiments, cavités dès lors que les accès de ces refuges sont éclairés.

Les grenouilles semblent préférer les zones d’obscurité aux zones éclairées. Aveuglées, elles semblent ne plus savoir distinguer leurs proies dans leur environnement.

Certains micro-organismes aquatiques remontent vers la surface de l‘eau pendant la nuit pour se nourrir, puis redescendent dans les profondeurs à la lumière du jour. Ils remontent beaucoup moins haut dans les zones éclairées à cause de la lumière artificielle. Cette absence de migration verticale peut avoir des conséquences en cascade sur toute la chaîne alimentaire.

Des ornithologues néerlandais estiment à 6 millions le nombre d’oiseaux détournés de leur axe de vol par ces lumières. Pour un million d’entre eux le piège est mortel: éblouis, ils sont incapables de s’orienter.

Et rappelons enfin l’effet de la pollution lumineuse sur les ressources alimentaires: les espèces attirées par la lumière artificielle se concentrent et se font facilement dévorer par leurs prédateurs. Par contre, ceux qui chassent en milieu obscur, dans les biotopes non éclairés qu’ils continuent à fréquenter, ne trouvent plus leur quantité de nourriture habituelle. Le tout contribue à un appauvrissement de la chaîne alimentaire, en nombre et diversité.

 

Références

L’homme et l’Oiseau 2 (2013)

www.socialter.fr/article/loin-d-etre-si-ecolo-les-led- sont-un-fleau-pour-la-biodiversite-1

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